Le lac, “mon” lac est issu d'une pratique quotidienne,
en effet je nage presque tous les jours 1 km dans le lac Léman,
la plupart du temps à Lutry, parfois à la plage du Laviau

“Je suis dans ma voiture, j’écoute France Inter c’est le matin, j’irai à Lutry.

Je sors de mon coffre mon vieux sac vert Frida Kahlo avec mes affaires de bain. Les jardiniers de la commune s’occupent du gazon avec leur machine qui fait du bruit, ils me saluent l’air un peu étonné. Protégée derrière mon petit mur en béton, je me déshabille, le plongeoir n’est pas encore installé sur la plateforme. Mais les jardiniers de la commune ont nettoyé le les cacas de mouettes. Le lac est parfaitement calme, c’est nuageux. Ma tenue est ridicule, j’ai une cagoule qui descend jusqu’à la nuque, des chaussons et des gants de spiderman. Je descends l’échelle pour me retrouver…dans cette eau froide. L’élément est presque métallique. Le froid anesthésie l’enveloppe du corps. C’est à ce moment précis que: chaque fois, je me demande pourquoi je suis là. Mais quelle idée absurde, n’importe quoi cette idée d’aller se baigner toute l’année. Trop tard pour renoncer.

S’immerger. Vite nager pour se réchauffer. Sur le dos, 3 minutes sans penser à autre chose qu’à ses organes. Mon corps est en mouvement, léger, fonctionnel, jouissif.

Les oreille à moitié dans l’eau, j’entends le rythme que je produis, mais l’espace sonore est modifié, comme distendu. Le temps a disparu. A l’aller, il m’est difficile d’ouvrir les yeux tout le temps, le ciel est éblouissant. J’essaie de ne pas penser.

Quand j’arrive à la hauteur de la petite maison rousse à colonne, je suis au bout de mon parcours habituel (500 mètres depuis le plongeoir sur google maps).

Je me retourne et j’observe, un petit moment suspendu de silence. Cette vision les yeux à 3 centimètres de l’horizon. Je suis au milieu du lac, je veux dire verticalement, moitié lac, moitié ciel.

Au retour, je vais plus vite, je peux ouvrir les yeux en continu. Je ne vois pas où je vais, je m’éloigne de la rive, je dérive. J’essaie de me diriger avec la lumière, il n’y a pas d’autres repères dans le ciel. Parfois quand les nuages vont trop vite, j’ai presque mal au coeur. Le geste est tellement automatique qu’il ne m’appartiens plus d’y penser. J’avance, la vitesse me glisse sur le corps, c’est très agréable.. Je suis hors de moi. Avant de remonter, je lève la tête, me re-situe dans l’espace, je reviens à moi. Quand je sors, quand je quitte l’élément, j’ai déjà la nostalgie du lac, comme si je quittais un ami, mais je suis wonderwoman, le monde est à moi.”